Face aux changements climatiques annoncés, une essence forestière peut être considérée comme résistante si elle est adaptée aux conditions climatiques qu’elle rencontrera tout au long de sa vie. Une équipe de chercheurs a modélisé la distribution des espèces européennes climatiquement adaptées tout au long du 21e siècle et qui forment donc le pool d’espèces sur lequel la gestion peut s’appuyer aujourd’hui pour construire la forêt future. Le rythme du changement climatique peut en effet rendre un site inadapté à une espèce au cours de sa durée de vie.
L’ajout des nouvelles espèces, qui seraient adaptées aux conditions futures, pourrait augmenter le pool actuel d’essences adaptées à 85 % en moyenne d’ici la fin du 21e siècle. Mais une majorité de celles-ci ne sont pas adaptées aux conditions actuelles donc ne sont pas une solution à court terme. Ainsi, le pool moyen d’espèces d’arbres continuellement adaptées tout au long du siècle est plus petit que dans les conditions climatiques actuelles et celles de la fin du siècle, ce qui crée un goulot d’étranglement. Si l’on tient compte de la nécessité d’une adéquation climatique continue pendant toute la durée de vie d’un arbre planté aujourd’hui, le changement climatique réduit le pool d’espèces d’arbres disponibles pour la gestion de 33 à 49 % de ses valeurs actuelles, respectivement dans le cas d’un changement climatique modéré et sévère.
En moyenne en Europe, selon les scénarios d’évolution climatique moyens, seules 9,4 espèces d’arbres par kilomètre carré peuvent être adaptées au climat changeant tout au long du 21e siècle. Cela pourrait avoir un impact négatif important sur la production de bois, le stockage du carbone et la conservation de la biodiversité. Cet effet est particulièrement problématique en Europe ou la diversité spécifique est déjà réduite depuis le Pléistocène. Selon cette étude, seulement 56 % de l’Europe resterait propice aux mélanges d’au moins deux espèces à fort potentiel de multifonctionnalité. Les stratégies d’adaptation de la sylviculture par la production de forêts mélangées pourraient ainsi se voir limitées par la réduction du potentiel de mélange.
Toutefois, ces résultats pourraient sous-estimer les tolérances climatiques des espèces actuellement peu importantes en sylviculture et de ce fait moins connues. Les espèces d’arbres non indigènes ont par ailleurs été exclues de l’analyse et pourraient atténuer la diminution du pool d’espèces adaptées mais il convient d’examiner attentivement les avantages et inconvénients de l’introduction d’espèces non indigènes (caractère invasif, menace pour la biodiversité indigène, réduction de la fourniture de services écosystémiques…).
Cette étude souligne la nécessité d’une atténuation efficace, dans tous les domaines, du changement climatique pour maintenir l’intégrité et le potentiel des services écosystémiques des écosystèmes forestiers.