Le suivi financier des futaies irrégulières fait souvent défaut. Ce manque d’information peut freiner certains gestionnaires dans leur démarche de transformation de leurs futaies équiennes. Grâce au réseau AFI (Association Futaie Irrégulière), il est désormais possible de réaliser un suivi économique de plus d’une centaine de parcelles de référence situées dans des peuplements irréguliers feuillus et résineux en France, en Belgique et dans d’autres pays d’Europe. En plus de l’aspect économique, le réseau AFI permet également un suivi dendrométrique et écologique de la gestion appliquée. Le suivi économique d’une futaie irrégulière étant fort différent d’une futaie équienne, une méthodologie spécifique a été mise en place. L’objectif n’est pas de prodiguer des normes, mais plutôt de mettre à disposition des indications, des ordres de grandeur de recettes et de dépenses encourus par ce mode de traitement. À ce titre, les résultats montrent que les dépenses en futaie irrégulière proviennent principalement du marquage des coupes qui représente en moyenne 70 % des coûts. L’importance cruciale de cette opération en futaie irrégulière est donc bien mise en évidence. Les soins culturaux sont appliqués dans la plupart des dispositifs de référence, le traitement inéquienne ne permet donc pas de se passer de ces travaux de dégagement, nettoiement et dépressage. Ces coûts ne sont toutefois pas excessifs et dépendent fortement du contexte stationnel et des objectifs du propriétaire. Par exemple, les coûts seront importants s’il lutte pour favoriser une essence moins dynamique qu’une autre. Les dépenses relatives à l’élagage sont quasi nulles en peuplements feuillus et rares en résineux, probablement grâce à une bonne gestion du sous-étage et au fruit de l’automation biologique. Les travaux de plantation sont rares et n’ont généralement lieu que pour appuyer une régénération naturelle qui fait défaut ou dont la composition en essence n’est pas satisfaisante. Les frais fixes (gestion principalement) sont peu variables selon le contexte stationnel, mais très fluctuants suivant le degré d’implication des gestionnaires dans leurs peuplements. Les recettes sont très variables entre parcelles de référence, elles vont de 35 à 600 €/ha/an avec une moyenne de 215 €/ha/an. Cette variation est due à la composition en essence des peuplements, à l’influence de la gestion passée (sur- ou dé-capitalisation, conversion de taillis sous futaie, etc.), à d’éventuels chablis durant la période de suivi, mais aussi au contexte écologique. Il faut noter qu’il est primordial de mettre en regard les recettes avec l’évolution du capital sur pied pour pouvoir estimer la performance d’une gestion en futaie irrégulière. Dans toutes les parcelles de suivi du réseau, les recettes sont supérieures aux dépenses, la gestion pratiquée est donc toujours rentable. L’estimation de la valeur du capital sur pied met en évidence les tendances suivies par les gestionnaires. Ainsi, par exemple, lorsque la proportion de brins de taillis diminue et fait place progressivement à des perches d’avenir, la valeur potentielle du peuplement augmente. On constate également que la gestion de la qualité permet, pour une essence donnée et avec une surface terrière identique, d’augmenter la valeur du matériel sur pied. Le suivi réalisé par l’AFI permet de quantifier de manière dendrométrique, écologique, mais surtout économique la gestion en futaie irrégulière. Au fil des années, les données s’accumulent et permettent de quantifier les flux financiers de la gestion appliquée. Malgré le manque de recul sur certains dispositifs, ces premiers résultats permettent déjà de tirer de nombreux enseignements quant à la rentabilité de la gestion en futaie irrégulière feuillue ou résineuse. [S.P.]